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En Corée du Nord, l’insécurité alimentaire inquiète les autorités

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AP- Une fois n’est pas coutume, le leader nord-coréen Kim Jong-un a pris la parole, ce mercredi, pour s’alarmer officiellement et publiquement de la situation alimentaire dans son pays, jugée tendue. Lors d’une réunion plénière du Comité central du Parti des travailleurs au pouvoir, le chef suprême a reconnu une «série de difficultés», fruit de nombreux «défis» à relever, tout en rappelant que la production industrielle connaissait une augmentation de 2 %. En l’occurrence, l’été 2020 a été marqué par des catastrophes naturelles, des typhons et des inondations, qui auraient détruit des milliers d’habitations et de terres agricoles.

Kim Jong-un a invoqué une série de mesures destinées à freiner les conséquences des conditions climatiques ardues, fréquentes dans cette région et qui rendent aléatoire la production agricole. La dictature se trouve par ailleurs sous le joug de sanctions internationales depuis 2016-2017, suite à des essais balistiques et nucléaires, qui visent principalement le pétrole et les ressortissants nord-coréens travaillant à l’étranger, fragilisant un peu plus le régime.

Les douloureuses conséquences du Covid-19

«Le vrai impact, c’est celui de la pandémie, avance Antoine Bondaz, chercheur sur la Corée du Nord à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), qui a conduit à une fermeture totale des frontières, et donc à une limitation drastique des importations.» Avec des retombées en cascade : le départ, en décembre 2020, des rares ONG présentes en permanence sur place, l’interruption de l’acheminement de l’assistance venue de l’étranger ou la limitation du Programme alimentaire mondial de l’ONU. «L’aggravation de l’insécurité alimentaire et la pandémie sont directement liées. Le Covid-19 a un double impact sur la production, restreinte par le manque d’assistance internationale, et les importations», poursuit l’auteur de Corée du Nord, plongée au coeur d’un Etat totalitaire (éditions du Chêne, 2016).

Il demeure toutefois difficile d’évaluer précisément la situation. Si quelques nouvelles de Pyongyang circulent, comme par exemple l’augmentation du prix des denrées, qui témoigne de la raréfaction des produits, il est impossible, depuis le départ des humanitaires internationaux (qui jouissaient d’un rare accès aux provinces), d’en savoir plus sur l’état des campagnes, où vit 90% de la population.

Tour de vis du leader suprême

Dès le mois de mars, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Unocha) dénonçait «les mesures drastiques de prévention prises par la république populaire démocratique de Corée», qui ont «exacerbé les violations des droits humains et les difficultés socio-économiques». Selon Tomás Ojea Quintana, rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits humains en Corée du Nord, plusieurs cas de sanctions sévères «à l’encontre de ceux qui enfreignent les mesures de prévention anti-Covid» ont été rapportés par les médias. En outre, l’établissement d’un centre de détention dans la province de Hwanghae du Nord, à destination des personnes violant les mesures de quarantaine, avait alerté l’expert onusien.

A ces restrictions s’ajoutaient de cruels retards dans la distribution de biens de première nécessité et l’arrêt presque intégral des relations commerciales avec la Chine. Les frontières auraient rouvert fin avril, pour reprendre le rythme des importations. Pour Antoine Bondaz, «le régime est particulièrement inquiet de la pandémie et d’éventuelles contagions. Les infrastructures de santé nord-coréennes ne pourraient faire face à l’épidémie, et encore moins à la prolifération des variants, notamment le delta. Depuis [l’an dernier], les autorités prennent des mesures très strictes car le seul degré d’action concerne la prévention. C’est la politique du risque zéro». A ce jour, aucun cas de contamination n’a officiellement été signalé.

Comment interpréter les déclarations de Kim Jong-un ? S’agit-il d’un message à la communauté internationale, voire à la nouvelle administration de Joe Biden ? Les éléments manquent pour comprendre les velléités du régime. «Le manque de visibilité sur place reste somme toute inquiétant», conclut Antoine Bondaz.

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