Burkina Faso: le mécontentement des soldats en première ligne dans la lutte contre les jihadistes

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AP- Au Burkina Faso, le président de la République a instauré hier dimanche un couvre-feu nocturne sur toute l’étendue du territoire en réaction aux mutineries qui ont eu lieu dans plusieurs casernes militaires du pays ce dimanche. Toute la nuit, rumeurs et contre rumeurs de coup d’Etat ont circulé. Les mutins demandent au gouvernement plus de moyens pour lutter contre le terrorisme et des changements au sein de l’état-major. Décryptage.

Certains des mutins se sont entretenus jusque tard dimanche soir, avec le ministre des Armées, le général Barthélémy Simporé. Siaka Coulibaly, juriste et analyste politique, est directeur du Centre de suivi et d’analyses citoyen des politiques publiques. Selon lui, au micro de Gaëlle Laleix, de la rédaction Afrique, ces mutineries ne sont pas vraiment une surprise.

« Cela fait déjà pas mal d’années que le Burkina vit sous une tension sécuritaire extrême. Immanquablement, cela finit par entraîner des tensions à l’intérieur du corps militaire, trop de défaites subies, de morts… Il y avait un fond général de mécontentement ou des tensions à l’intérieur de l’armée.»

Début janvier, plusieurs militaires ont été interpellés dans le cadre d’une enquête pour «  tentative de déstabilisation des institutions de la République ». Parmi ces militaires figure le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, chef du corps du 12e régiment d’infanterie commando. Il était le commandant du groupement des forces du secteur ouest dans la lutte contre le terrorisme.

À lire aussi : au Burkina, le gouvernement donne des détails sur la tentative présumée de coup d’Etat

« Apparemment, toute la troupe n’est pas disposée à accepter cette idée de l’implication de cet officier – en plus des mutins -, ils ne seraient pas d’accord avec les dernières nominations à la tête de certaines unités », poursuit Siaka Coulibaly.

Mais « Ce n’est pas parce qu’il y a des mutineries, que toute l’armée serait en rébellion, tempère Siaka Coulibaly. Le président a forcément des alliés, certains qui resteraient républicains ou qui ne se mêleraient pas de toutes ces considérations…

Donc finalement, ce n’est pas tant le soutien du président dans l’armée qui compte aujourd’hui. C’est plutôt la proportion de ceux qui ne seraient pas d’accord avec la façon dont la lutte contre le terrorisme est gérée, qui importe  ».

Depuis l’attaque d’Inata en novembre dernier et le décès d’une cinquantaine de gendarmes, l’atmosphère est devenue très tendue au Burkina, rappelait dimanche notre correspondant à Ouagadougou. Des changements sont intervenus à la tête des forces armées et les populations demandent des résultats sur le plan sécuritaire.

A Ouagadougou dimanche, des manifestants ont apporté leur soutien aux soldats et ont dressé des barrages de fortune dans la capitale. La veille, samedi, des manifestations d’opposition au président Roch Marc Christian Kaboré, avaient été dispersées par les forces de l’ordre.

Selon Siaka Coulibaly, il y a un risque de convergence de ces différents mouvements de contestation… « Qu’au sein de l’armée il y ait des mécontentements et qu’aussi au niveau politique il y ait des mouvements de revendication de la démission du chef de l’État, comme on a pu le voir… Tout cela mis l’un dans l’autre, il peut y avoir une jonction pour donner une situation sociopolitique tendue.

Le précédent de 2011

Cela s’est produit en mars 2011. La mutinerie avait bien duré trois ou quatre jours. Donc on ne sait pas si les échanges pourraient finir et ramener le calme dans la caserne, ou bien si le mouvement pourrait reprendre dans la nuit ou demain. Les ingrédients, au niveau sécuritaire au sein de la troupe et les ingrédients sociopolitiques, tout cela peut se mettre ensemble pour générer une situation propice au coup d’État.

Le président a eu plusieurs alertes qui l’ont obligé à modifier son gouvernement, alors qu’il n’était pas enclin à le faire. Maintenant on peut penser que s’il n’arrive pas, par les remaniements, à résorber au moins la crise sociopolitique, ce sera comme une impasse ».

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