Le sommet de l’ONU sur le climat, qui s’ouvre dimanche en Écosse, est considéré par beaucoup comme celui de la dernière chance. Le gouvernement britannique espère y persuader quelque 200 pays de faire davantage pour réduire leurs émissions de CO2 avec l’espoir de contenir le réchauffement climatique en dessous de 1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle.
Mais pour les pays africains, ce n’est pas le seul sujet à devoir se retrouver au centre des négociations. « Ca fait plus de dix ans que nous attendons les 100 milliards de dollars promis » par an pour aider les pays en développement à faire face à l’urgence écologique, déclare à l’AFP Tanguy Gahouma-Bekalé.
A la conférence climat de Copenhague en 2009, les pays riches s’étaient engagés à porter d’ici à 2020 à ce montant leur aide annuelle aux pays en développement pour les aider face à l’urgence écologique. L’objectif est manqué et est désormais jugé atteignable en 2023, a concédé cette semaine le président de la COP, Alok Sharma.
« Le groupe Afrique veut qu’on revienne sur les rails et qu’on trouve une solution pour combler cet écart cette année, pas dans deux ans« , martèle son négociateur, estimant que le continent « fait déjà face au changement climatique, mais sans en être responsable« .
– Promesse « obsolète » –
Pour Tanguy Gahouma-Bekalé, « l’Afrique n’est pas confrontée aux mêmes problèmes » que le reste du monde. « Nous devons aussi assurer la lutte contre la pauvreté, des emplois pour les jeunes et de l’énergie pour tous« , détaille-t-il, soulignant que la moitié de la population du continent n’a pas d’électricité.
Cette aide est donc « très importante pour que nous puissions concevoir un développement économique compatible avec les changements climatiques« , affirme le négociateur, de nationalité gabonaise. Car il prévient: « l’Afrique ne va pas accepter de limiter son développement économique pour accompagner la lutte contre le changement climatique« .
Mais au-delà de demander des comptes, les pays africains espèrent aussi et surtout que l’aide financière, dont les 100 milliards de dollars constituaient initialement « un plancher« , sera réévaluée, car elle est selon eux devenue « obsolète« .
« Nous militons désormais pour aller vers un seuil beaucoup plus proche des réalités, qui serait surement 10 fois plus élevé que le montant actuel« , affirme Tanguy Gahouma-Bekalé.
Pour le négociateur, il est aussi important de « suivre de manière très transparente comment cet argent sera distribué« , alors « qu’aucun tableau de suivi » n’existe aujourd’hui: « L’OCDE dit que nous avons déjà atteint 70/80 % des 100 milliards. Mais beaucoup de pays n’ont pas vu l’argent sur le terrain. Alors où va cet argent ? »
– « coût trop élevé » –
La délégation africaine a aussi fait part de son mécontentement vis-à-vis de l’organisation de cette COP, « la plus compliquée à laquelle l’Afrique a été confrontée« , arguant qu’elle reproduisait les inégalités au lieu de mettre tout le monde sur un même pied.
« Le coût pour trouver un logement est très élevé, donc les délégués africains peuvent être (logés) à une heure » du sommet, a expliqué M. Gahouma-Bekalé. A cela s’ajoutent de nombreux « défis dus à la quarantaine et aux vaccins« , les non-vaccinés contre le Covid-19 devant s’isoler à leur arrivée en Ecosse et s’acquitter de plusieurs coûteux tests, plus que pour les autres pays.
« Les vaccins ne sont pas disponibles dans les pays africains« , dénonce-t-il, fustigeant les nouvelles promesses non tenues de l’Occident d’en fournir à Afrique, où le taux de vaccination était seulement de 2,5% début octobre, selon le FMI.
« Nous sommes seuls dans ce combat« , soupire Tanguy Gahouma-Bekalé, « Mais nous essayons de venir ici, nous essayons de faire tous les visas, tous les hébergements pour voyager jusqu’ici parce que c’est un combat pour le futur, pour nos enfants« .