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AP- Les talibans poursuivent leur progression en Afghanistan. Les insurgés se sont emparés ce vendredi de Lashkar Gah (sud), capitale de la province du Helmand. Selon un haut responsable sécuritaire, un cessez-le-feu de quarante-huit heures doit permettre à la ville d’être évacuée. La menace sur Kaboul, la capitale, s’intensifie chaque jour un peu plus, poussant les Etats-Unis et le Royaume-Uni à sortir en catastrophe leurs ressortissants et diplomates.

Les deux pays ont annoncé ce vendredi avoir envoyé des milliers de soldats pour mener ces opérations d’évacuation, motivés par «l’accélération des offensives militaires des talibans» et de «la hausse de la violence et de l’instabilité qui en résulte à travers l’Afghanistan», selon les mots du porte-parole du département d’Etat, Ned Price. Ces évacuations interviennent alors que les rebelles restent sourds aux efforts diplomatiques des Etats-Unis et de la communauté internationale.

Washington va ainsi déployer 3 000 soldats à l’aéroport international de la capitale, qui rejoindront les 650 militaires américains encore présents en Afghanistan, a précisé le porte-parole du département de la Défense, John Kirby. «Il ne s’agit pas d’un réengagement militaire dans le conflit», a assuré Ned Price, tandis que le Pentagone a également affirmé qu’il n’utiliserait pas cet aéroport pour des frappes contre les talibans. Quelque 3 500 autres militaires seront positionnées au Koweït pour pouvoir être envoyés en renfort en cas de détérioration de la situation à Kaboul. Les talibans ne sont plus qu’à 150 kilomètres de la capitale après avoir pris jeudi la ville de Ghazni.

La moitié des capitales provinciales tombées en huit jours

Les talibans ont aussi pris sans résistance ce vendredi Chaghcharan (centre), capitale de la province de Ghor, et contrôlent désormais près de la moitié des capitales provinciales afghanes, toutes tombées en seulement huit jours. L’essentiel du nord, de l’ouest et du sud du pays est maintenant sous leur coupe. Kaboul, Mazar-i-Sharif, la grande ville du nord, et Jalalabad (est) sont les trois seules grandes villes encore sous le contrôle du gouvernement.

Les talibans ont lancé leur offensive en mai, quand le président américain, Joe Biden, a confirmé le départ des dernières troupes étrangères du pays, vingt ans après leur intervention pour en chasser les talibans du pouvoir, dans la foulée des attentats du 11 Septembre. Ce retrait doit être achevé d’ici au 31 août.

Le président Biden a depuis affirmé ne pas regretter sa décision, même si la rapidité avec laquelle l’armée afghane s’est désintégrée devant l’avancée des talibans a surpris et déçu les Américains, qui ont dépensé plus de 1 000 milliards de dollars en deux décennies pour la former et l’équiper. Les Afghans «doivent avoir la volonté de se battre» et «doivent se battre pour eux-mêmes, pour leur nation» avait exhorté mardi le président américain.

Pas enclins au compromis

Trois jours de réunions internationales à Doha, au Qatar, se sont achevés jeudi sans avancée significative. Dans une déclaration commune, les Etats-Unis, le Pakistan, l’Union européenne et la Chine ont affirmé qu’ils ne reconnaîtraient aucun gouvernement en Afghanistan «imposé par la force». Les talibans risquent cependant de n’être nullement enclins au compromis, alors que les autorités leur ont proposé jeudi en catastrophe «de partager le pouvoir en échange d’un arrêt de la violence», selon un négociateur gouvernemental aux pourparlers de Doha qui a requis l’anonymat.

Le président afghan, Ashraf Ghani, avait toujours rejeté jusqu’ici les appels à la formation d’un gouvernement provisoire non élu comprenant les talibans. Mais son revirement risque d’être bien tardif. A Washington, le président Biden se retrouve sous la pression de l’opposition. «L’Afghanistan fonce vers un immense désastre, prévisible et qui aurait pu être évité», a fustigé jeudi le chef des républicains au Sénat, Mitch McConnell.

En Afghanistan, la progression des talibans a un coût humain élevé. En un mois, au moins 183 civils ont été tués, dont des enfants, à Lashkar Gah, Kandahar, Hérat et Kunduz, selon l’ONU. Quelque 390 000 personnes ont été déplacées par le conflit depuis le début de l’année, toujours selon l’ONU. Ces mouvements de population se sont accélérés ces dernières semaines, les civils fuyant les régions conquises par les talibans.

Nombre d’Afghans ont ainsi afflué ces derniers jours à Kaboul, où une grave crise humanitaire menace. Ils tentent désormais de survivre dans des parcs ou sur des terrains vagues, dans le dénuement le plus complet.