Ce que le transport aérien dit du développement
On constate généralement une corrélation entre le niveau de développement d’un pays et le transport aérien. En effet, 1 % d’augmentation du PIB entraînerait généralement 1,3 % d’augmentation du trafic aérien. Ce dernier est souvent considéré comme un catalyseur et un indicateur de développement économique. Plus la croissance économique d’un pays est forte, plus le trafic aérien sera stimulé et inversé. Cependant, cette relation est à nuancer dans le cas de l’Afrique. En effet, depuis 2002, la croissance du PIB est plus dynamique que la moyenne mondiale, mais le trafic aérien n’augmente pas à la même vitesse. Il semble bridé par un certain nombre de freins qui empêchent son plein développement.
En 2022, le volume de passagers (RPK) au niveau mondial a été au 2/3 du niveau observé en 2019, lorsqu’il était à peine à la moitié pour l’Afrique. Cette reprise du trafic plus lente s’explique par plusieurs facteurs : d’abord un taux de vaccination inférieur à celui des autres continents, ensuite des conditions d’accès variées suivant les pays, enfin un schéma vaccinal souvent incomplet des passagers, autant d’éléments qui réduisent et complexifient les possibilités de voyages. Et des impacts ont été ressentis de manière différente selon les aéroports, avec en moyenne une baisse de 60,2 % du trafic aérien au sein des cinq principaux aéroports africains entre 2019 et 2020. Sans compter, le peu d’aide de la part des gouvernements en comparaison avec les autres continents.
Cela dit, malgré les multiples freins auxquels il est confronté, le potentiel de développement du transport aérien en Afrique reste important.
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Un potentiel important demeure pour l’Afrique
L’illustration de ce fait est que d’abord, l’Afrique occupe aujourd’hui le premier rang du transport de marchandises par voie aérienne, un rang pouvant se justifier par la hausse de la demande mondiale de fret, et en particulier par la progression constante des volumes sur la route Afrique-Asie. En effet, dans l’objectif de limiter la perturbation des chaînes d’approvisionnement fragilisées par la crise sanitaire et le conflit russo-ukrainien, les fournisseurs ont désormais tendance à privilégier le transport aérien (délais de livraison fiabilisés et agilité de réaction accrue). L’Afrique a enregistré ainsi une croissance du trafic cargo de 33,9 % en 2021, contre 7,7 % pour le reste du monde.
Avec la volonté des compagnies aériennes d’élargir leur catalogue de destinations, le nombre de liaisons entre la France et l’Afrique a augmenté de 18 % entre 2019 et 2021 (53 en 2021 contre 45 en 2019). Si autrefois les liaisons exploitables concernaient principalement celles avec l’Afrique du Nord, la longue fermeture de l’Algérie a accéléré le développement de nouvelles liaisons (par exemple, Paris-Dakar est entré dans le top 5 des routes France-Afrique).
Une dépendance notable de l’Afrique au trafic intercontinental
Cependant, l’Afrique est significativement plus dépendante du trafic intercontinental que les autres régions. Il représente 40 % du trafic contre 16 % pour l’Europe et 10 % pour l’Amérique du Nord. Cela traduit une offre aérienne long-courrier qui reste très connectée aux grands hubs.
Illustration ? Répartition régionale du trafic intracontinental et intercontinental. © Planet Optim, Données de trafic sur 2019, Analyse BearingPoint
On retrouve cette dépendance sur le trafic intracontinental, où les principaux hubs en Europe et au Moyen-Orient restent des points de passage obligés pour un passager sur quatre voyageurs au sein du contenu. Le développement du trafic de point à point au sein du continent est donc une opportunité de s’affranchir de ces hubs et de dynamiser la reprise du trafic aérien en Afrique.
Pour démocratiser le trafic intercontinental, l’ouverture du ciel paraît primordiale. Quelques États sont déjà membres du Marché unique africain du transport aérien visant à lever certaines restrictions pour activer la connectivité sur le continent. Cependant, trop peu de pays l’ont adopté à date : près de 40 % des pays du continent ne sont pas membres du SAATM. Une plus grande participation est nécessaire pour que cette initiative ait un vrai impact.
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De nouveaux modules sur le marché
L’arrivée récente de l’A220-300 et l’A321-XLR, deux avions de ligne conçus par Airbus d’une capacité respective de 3 400 milles marin (NM) (l’équivalent d’un vol direct Londres-Douala) et de 4 700 NM (l’équivalent d’un vol direct Nairobi-Abuja), pourrait permettre d’augmenter la rentabilité de certaines lignes, peu utilisées jusqu’alors. Ainsi, ces avions nouvelle génération pourraient se procurer de multiples avantages. Ainsi de la diminution des coûts d’exploitation, de l’amélioration de la qualité des routes, notamment d’un point de vue environnemental, de l’augmentation du trafic, induite par l’induction de la demande, et de la démocratisation du point à point en Afrique.
???????Encore du chemin pour se remettre du Covid
Au regard de tous ces constats, il apparaît que la crise sanitaire a eu un véritable effet destructeur sur le secteur aérien dont le continent africain se remet difficilement. L’Afrique reprend petit à petit son souffle, mais doit encore relever de nombreux défis : diminution des coûts, aménagement du territoire, baisse des tendances protectionnistes en vue de la remise du secteur et réduction de la dépendance vis-à-vis des hubs. Ainsi, les aéroports africains pourraient être parties de ce volet de changements en axant leur développement sur une logique de fréquence et de coûts maîtrisés, à l’aide d’outils leur permettant de faire des projections de trafic de qualité au niveau local et mondial, d’évaluer les coûts ou encore d’étudier les opportunités de création de nouvelles routes.
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* Les trois auteurs sont de BearingPoint. Jean-Michel Huet est associé, Tristan Thiebaut, directeur de mission, et Marion Couzon, consultante sénior.