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Entre le président algérien Abdelmadjid Tebboune et son ancien ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, les causes de la rupture trouvent leur origine dans une peur incontrôlable de perdre la présidence. Plusieurs techniques ont été utilisées pour lui tordre le cou.

Abdelmadjid Tebboune ne veut pas de la concurrence de Ramtane Lamamra pour la présidentielle de 2024. Il s’est arrangé ces trois dernières années pour faire taire la popularité grandissante du diplomate auprès de la population algérienne.

L’actuel président algérien qui a été hissé à cette fonction suprême sait pertinemment qu’avant sa nomination il était un inconnu pour la plupart des Algériens, et pour ceux qui le connaissaient, il était associé au scandale de la cocaïne pour lequel son fils est mêlé.

En 2024, Tebboune sait aussi qu’il n’est pas assuré de remporter le scrutin par les votes du peuple. Il n’a pas voté pour lui en 2019, et en 2024 son bilan compte plus de points négatifs que de points positifs.

Sa stratégie d’élimination de toute personnalité populaire susceptible de le remplacer a commencé dès le Hirak, et s’est renforcée avec la pandémie du coronavirus qui lui a ouvert la voie à une répression terrible contre toute forme de contestation dans l’objectif de casser physiquement et psychologiquement les envies de se présenter comme candidat à la présidentielle contre lui.

Des chefs de partis politiques ont été emprisonnés, comme Louisa Hanoune du Parti des travailleurs, d’autres ont été interdits de tenir leur assemblée générale, leur dirigeants ont été poursuivis au pénal, des associations ont été dissoutes, des journalistes emprisonnés ou condamnés à mort comme Abdou Semmar à qui on a fait du chantage politique pour qu’il puisse revoir ses enfants, des opposants persécutés et tués à petit feu dans les prisons algériennes, le dernier en date est Rachid Nekkaz qui a été humilié et mal traité jusqu’à développer des maladies avant de lui faire signer une renonciation à la présidentielle contre sa mise en liberté.

Ramtane Lamamra, a été classé dans cette catégorie malgré lui, grâce à (ou à cause de) sa popularité considérable en Algérie. Il jouit d’une grande appréciation pour son professionnalisme et sa carrière diplomatique. Erudit, intelligent, éloquent, d’une certaine élégance, il a su créer des connexions importantes durant ses nombreuses missions, et a d’une certaine manière, la carrure d’un président respectable pour l’Algérie.

L’ancien ministre des Affaires étrangères, doté de toutes ces qualités, qui contrairement à Abdelmadjid Tebboune n’a aucune de ces attributs, a été perçu comme une menace pesante contre le prochain mandat qu’il veut s’assurer.

Fin mars dernier avec l’annonce de son remplacement par la présidence algérienne, maquillé par un léger remaniement, il était clair que des considérations extra-professionnelles ont influé sur cette décision. « Son sort était scellé depuis plusieurs semaines déjà », a indiqué dans un article Middle East Eye.

En Algérie comme au Maroc et ailleurs, beaucoup de journalistes et diplomates savaient qu’entre Tebboune et Lamamra les relations étaient exécrables et que des bruits de couloirs attribuaient au diplomate des ambitions présidentielles depuis 2019, dès la chute du président Abdelaziz Bouteflika.

« Diplomate chevronné, connaisseur des rouages de l’Union africaine et des Nations unies, celui qui a incarné la diplomatie algérienne ces trois dernières années n’était visiblement pas dans les bonnes grâces du chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune », a indiqué la publication.

Alors que certains milieux algériens veulent coller à Lamamra l’étiquette du « charisme » en réalité, ces dernières années en poste au sein du ministère des Affaires étrangères, ont montré la faiblesse de positions l’homme. Tout en étant diamétralement opposé à certaines décisions prises par Abdelmadjid Tebboune, à l’instar de la rupture des relations avec le Maroc, Ramtane Lamamra s’est résigné à accepter et, à endosser, des positions qui ne sont pas siennes et qui ne font pas honneur à sa personne.

Ramtane Lamamra n’est pas une forte tête et n’est pas connu pour jouer les bras de fer non plus. Toutes ces années à la tête de la diplomatie algérienne, il les a passées en acceptant un état de fait et en prenant de la distance. De plus, il « n’oserait jamais se porter candidat à la présidentielle si M. Tebboune se présentait », indique une source à MEE.

Pour lui faire mal et lui compliquer la tâche tout en lui montrant qu’il ne valait rien dans le circuit décisionnel, « certaines décisions sont prises à son insu. Pis, on demande en outre aux médias gouvernementaux de ne pas médiatiser ses activités« , rapporte une source diplomatique au média, indiquant qu’à défaut de l’éjecter, on lui mettait des bâtons dans les roues.

Ce jeu trouble auquel la présidence algérienne s’est livrée au cours de la mission de Lamamra au ministère des Affaires étrangères pour l’empêcher de travailler, l’a poussé à remettre sa démission trois fois en 2022. Trois fois rejetées pour « raisons d’Etat », tout en continuant à le mettre sur la touche.