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AP- Après des mois d’entretiens et un rapport rédigé par deux avocats indépendants, la procureure de l’Etat de New York a conclu que l’homme politique démocrate avait «harcelé sexuellement plusieurs femmes », et notamment des employées.

Comme elle semble loin l’époque où le gouverneur de New York brillait pour sa bonne gestion de l’épidémie de Covid-19 et détonnait dans le jeu de miroirs qu’il entretenait face au président Trump et aux déclarations délirantes de ce dernier sur la situation sanitaire. Désormais, l’homme de 63 ans est dans la tourmente, les appels à sa démission se multiplient, et pas des moindres. Le président Joe Biden himself, pourtant ami de longue date d’Andrew Cuomo, lui a demandé de se retirer. «Ce que j’ai dit, c’est que si l’enquête du procureur général concluait que les allégations étaient correctes, en mars, je recommanderais qu’il démissionne, a déclaré le 46e président des Etats-Unis. C’est ce que je fais aujourd’hui.» Plusieurs figures éminentes du Parti démocrate lui ont emboîté le pas, à l’instar de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des Représentants.

La raison : des mois d’entretiens, quelque 165 pages d’enquête et une conclusion sans équivoque autour de faits de harcèlement sexuel. «L’enquête indépendante a conclu que le gouverneur Andrew Cuomo avait harcelé sexuellement plusieurs femmes et, ce faisant, violé la loi fédérale et de l’Etat», a déclaré ce mardi la procureure générale de l’Etat, Letitia James, lors d’une conférence de presse. Parmi ses victimes, se côtoient d’actuelles et d’anciennes employées, «dont beaucoup étaient de jeunes femmes». Le gouverneur «se livrant à des attouchements, des baisers, des câlins non désirés et en faisant des commentaires inappropriés», a précisé Letitia James. Des faits que le gouverneur de New York a nié en bloc lors d’une conférence de presse ce mardi : «Avant tout, je veux que vous sachiez […] que je n’ai jamais touché quelqu’un de manière inappropriée ou fait des avances sexuelles inappropriées.»

Pour la procureure, le rapport rédigé par les deux avocats indépendants Joon H. Kim et Anne L. Clark, révèle une «image profondément troublante mais claire et une conduite qui affaiblit le tissu même et le caractère de notre gouvernement d’Etat, et met en lumière l’injustice qui peut être présente aux plus hauts niveaux du gouvernement». Car c’est bien un système d’emprise et non une série d’actes isolés que souligne l’enquête : lors de sa conférence de presse, Letita James a pointé le rôle joué par les membres «senior» du staff de Cuomo qui ont pris des mesures de représailles contre au moins une ancienne employée alors qu’elle s’était manifestée pour «raconter son histoire, sa vérité».

«Strip-poker», baisers forcés et emprise

Les avocats indépendants ont réuni les témoignages de plusieurs femmes accusant Andrew Cuomo, et collecté des mails, messages et autres documents. Depuis février, huit femmes ont dénoncé des gestes et propos inappropriés d’Andrew Cuomo, des accusations qu’il a toujours niées. Quelques jours seulement après l’annonce du lancement de l’enquête, Ana Liss, une ex-conseillère politique au sein de l’administration Cuomo entre 2013 et 2015 s’est confiée au Wall Street Journal, indiquant que le gouverneur avait l’habitude de lui poser des questions personnelles sur sa vie amoureuse, en lui touchant le bas du dos et en lui embrassant la main. Au Times, elle a précisé qu’en raison du comportement de Cuomo à son égard, elle était devenue la cible de blagues de la part de collègues.

Une ex-conseillère, Lindsey Boylan, avait affirmé en février dans une note de blog qu’il l’avait harcelée lorsqu’elle travaillait pour son administration, de 2015 à 2018. Selon elle, Andrew Cuomo l’avait embrassée sur la bouche de façon non sollicitée, avait suggéré qu’elle joue avec lui au «strip-poker» à bord d’un avion lors d’un voyage professionnel et «multiplié les efforts pour [lui] toucher le bas du dos, les bras, les jambes». Elle a également déclaré que le gouverneur l’avait embrassée sur les lèvres dans son bureau de Manhattan, précise le New York Times. Dans la foulée, une autre ancienne conseillère sur les questions de santé, Charlotte Bennett, aujourd’hui âgée de 26 ans, avait déclaré que le gouverneur lui avait demandé, en juin 2020, si elle avait déjà eu des relations sexuelles avec des hommes plus âgés. Si Cuomo n’a jamais essayé de la toucher, elle disait avoir compris qu’il «voulait coucher avec [elle]» et s’être «sentie horriblement mal à l’aise et effrayée».

Empêtré dans les scandales

Le gouverneur démocrate, vu en 2020 comme un héros de la lutte contre le Covid-19, est désormais empêtré dans une série de scandales. Outre l’enquête sur les faits de harcèlement sexuel, il est accusé d’avoir caché l’ampleur des décès liés à la pandémie dans les maisons de retraite et d’avoir fait travailler des collaborateurs sur son livre de mémoires sur la pandémie, pour lequel il a reçu une avance inhabituelle de 3,1 millions de dollars (2,6 millions d’euros) et devait toucher encore 2 millions supplémentaires d’ici 2022. Un abus de pouvoir déclenchant l’ire des démocrates, qui demandent sa démission. Une enquête est toujours en cours, également menée par Letitia James.

Ces dernières révélations de harcèlement sexuel pourraient bien signer la chute de l’ancien secrétaire au Logement de Bill Clinton. Entendu par les enquêteurs le 17 juillet, Cuomo a nié en bloc, préférant s’excuser pour toute interaction qui aurait pu mettre les femmes «mal à l’aise». Interrogée sur une démission potentielle de Cuomo, la procureure générale de l’Etat de New York a déclaré qu’il appartenait au gouverneur de tirer lui-même les conclusions des faits établis par l’enquête.