L’exposition « Ramsès II et l’or des pharaons », qui se tient sous la Grande halle de la Villette jusqu’au 6 septembre, présente de fabuleux trésors égyptiens et entend accueillir plus d’un million de personnes.
« Je dois être le dernier à parler ! Il faut que je parle en dernier », insiste un vieux monsieur en costume et cravate, près d’une des deux grandes déesses-chat argentées qui gardent l’estrade de la conférence de presse. Cet œil de faucon, ce visage taillé au burin, cette insistance pour avoir le dernier mot, le premier revenant protocolairement au ministre égyptien du Tourisme et des Antiquités : c’est bien Zahi Hawass, l’« Indiana Jones égyptien », la star des champs de fouilles qui a régné plus d’une décennie sur le Conseil suprême des Antiquités avant d’être poussé sur la touche par la révolution de 2011.
Le théâtral personnage a l’habitude de livrer aux caméras des révélations spectaculaires, parfois sans suite : chambre cachée intacte derrière le tombeau de Toutânkhamon, vastes espaces inconnus dans la pyramide de Khéops, découverte de la momie de la reine Néfertiti annoncée quatre fois en sept ans… De toutes ces merveilles, seule une cavité vide de neuf mètres au-dessus de l’entrée de la pyramide a pu être constatée jusqu’à présent !
Plus d’un million de visiteurs
Quelles surprises nous réserve-t-il, ce 6 avril, pour la présentation de l’exposition « Ramsès II, l’or des pharaons » qui se tient du 7 avril au 6 septembre, sous la Grande halle de La Villette à Paris ? C’est d’abord Ahmed Issa, le ministre venu du Caire en porte-étendard du plus fameux des pharaons, qui enchaîne les superlatifs et les révélations : « Pour la première fois le sarcophage de Ramsès quitte l’Egypte »; « 145 000 tickets ont été prévendus contre 130 000 à l’exposition-événement sur Toutânkhamon au même endroit et qui avait attiré le nombre record de 1,4 millions de visiteurs ».
Le ministre souligne qu’il s’agit aussi de rendre hommage aux chercheurs français qui avaient accueilli la dépouille nue de Ramsès en 1976 et l’avaient sauvée d’une moisissure maligne. Nombre des objets de l’exposition ont déjà été montrés lors d’une tournée américaine, mais pour son passage à Paris, d’autres sont venus l’enrichir, comme cette momie de singe vert dont les commissaires annoncent l’apparition inédite. Côté révélations, la presse qui est présente massivement, reste un peu sur sa faim : l’Égypte présente officiellement l’ex-ministre du Tourisme et des Antiquités Khaled El-Enany comme candidat au secrétariat général de l’Unesco, où la Franco-Marocaine Audrey Azoulay achèvera son second mandat en 2025.
66 tombes au lieu de 64 dans la vallée des Rois
La tension monte quand Ahmed Issa annonce le calendrier d’ouverture du Grand musée d’Égypte à Guizeh, régulièrement repoussée depuis des années : « Nous devrions faire l’annonce de la date dans les deux mois à venir! » La tension s’affaisse. Mais Zahi Hawass, à qui l’on a laissé le mot de la fin, se charge de la faire remonter : « J’annonce pour la première fois qu’il n’y a pas 64 tombes dans la vallée des Rois mais 66 ; en septembre nous allons chercher le tunnel qui relie la tombe de Ramsès II à celle de son fils, nous serons alors sur le point de découvrir la tombe de Néfertiti et celle du grand architecte Imhotep ! Quant aux nouveaux résultats des scanners de la pyramide de Khéops, attendez-vous à des révélations! »
Africana Jones doit les réserver pour une autre occasion, car il tient à conclure par un vibrant discours de diplomatie culturelle, appelant à la restitution à l’Égypte de trois de ses trésors, la pierre de Rosette conservée à Londres, le zodiaque de Denderah qui est à Paris, et le buste de Néfertiti de Berlin. Les journalistes sont alors invités à aller contempler les trésors de pharaon.
Ramsès et la magie de l’or
L’exposition tiendra-t-elle sa promesse de splendeur ? Réunir en un titre les deux fantasmes de l’imaginaire universel que sont l’or et Ramsès II ne serait-il pas qu’un habile coup marketing destiné à attirer les foules vers quelques artefacts secondaires habilement mis en scène ? On voit en effet peu d’or dans les premières salles où un visage colossal de Ramsès en granit rose accueille le visiteur avec son sourire d’éternité. Son cartouche s’étale partout, sur la cime d’un petit obélisque tronqué, sur des fragments montrant ses ennemis de l’Est, de l’Ouest, du Nord et du Sud terrassés, sur un ostraca, fragment de pierre où est délicieusement esquissé le grand roi en train de conduire son char.
Enfin, sous le regard d’un beau sphinx en calcaire fin placé devant une vue du temple du Ramesseum de Louxor, l’éclat du métal imputrescible rayonne de trois plats et d’une petite aiguière finement ciselés. Les découvertes se succèdent : lourds colliers, bracelets incrustés de lapis-lazuli, couronne et poignard d’or et de pierres semi-précieuses d’une princesse, miroir d’argent, d’or et d’ébène de Sithathoryunet…
Cercueils à tête de faucon
Jusqu’à l’éblouissement, qui n’est pas d’or mais d’argent, et ne nous vient pas de Ramsès II mais de Sheshonq II qui vécut trois siècles plus tard : ses cercueils exceptionnels à tête de faucon, l’un en bois peint et doré, l’autre en argent massif. De magnifiques pièces du trésor de Tanis, capitale des pharaons des XXIème et XXIIème dynasties, ont ainsi accompagné les richesses de Ramsès à Paris.
La découverte des tombes royales de Tanis, en pleine seconde guerre mondiale, n’a pas reçu la publicité de celle de la tombe de Toutânkhamon en 1922 mais elle n’en fût pas moins remarquable. Comme le trésor de Toutânkhamon sera l’attraction majeure du Grand musée d’Égypte qui va ouvrir à Guizeh, ceux de Tanis seront le clou de l’exposition permanente du musée historique du Caire, place Tahrir. Leur présence à Paris est en effet exceptionnelle, et propre à ravir le plus accro des égyptomanes. L’or est bien là, comme la splendeur des pharaons, mise en valeur par une scénographie ambitieuse sans être prétentieuse. Les richesses exposées font aussi ressortir la beauté simple de la vedette de l’événement : le cercueil en bois de cèdre du Liban de Ramsès II. Aucune dorure, aucune pierre de couleur, à peine quelques traits de pinceaux viennent souligner les yeux et le tour de son beau visage, colorer ses sceptres, sa barbe postiche et le cobra qui se dresse sur son front. L’œuvre a été réalisée après un premier pillage de la tombe royale dans l’Antiquité et son dépouillement apparent a permis à Ramsès d’y reposer en paix pendant des millénaires, jusqu’à sa découverte, en 1881.
Néfertari, épouse favorite du pharaon-soleil
On se prend à philosopher sur la vanité du pouvoir, de la fortune et de la gloire en comparant le modeste cercueil du plus grand des pharaons, qui a régné 66 ans, eut presqu’autant d’enfants, a pacifié durablement de sa poigne armée l’orient de la Méditerranée et couvert son pays d’admirables monuments avec la richesse inouïe du cercueil de Toutânkhamon, obscur souverain oublié dès l’Antiquité.
Une visite immersive avec casque 3D des temples d’Abou Simbel et de la tombe de la belle Néfertari, épouse préférée du pharaon-soleil, complète cette visite très riche, mais nous ne pouvons vous en parler, l’auteur de ces lignes ayant préféré poursuivre son rêve éveillé par tant de splendeurs bien réelles.