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Il y a trois mois, le chef d’état-major nigérien, Abdou Sidikou Issa, fraîchement nommé, serrait la main de son homologue français, le général Thierry Burkhard, venu inspecter la base aérienne temporaire française déployée à Niamey pour appuyer les forces nigériennes dans le combat contre les groupes jihadistes. «Nos états-majors travaillent ensemble et nos soldats se battent côte à côte», affirmait le compte Twitter du chef d’état-major français. Le soutien apporté ce 27 juillet par le même général Abdou Sidikou Issa aux militaires putschistes qui séquestrent le président nigérien, Mohamed Bazoum, élu démocratiquement, est un coup dur pour Paris.

Plateforme aérienne

Le Niger était devenu ces derniers mois le principal point d’appui de Paris dans la région. Depuis 2014, plus de 1 000 militaires français étaient stationnés sur la base aérienne projetée de Niamey. Bien plus proche que Bamako des zones occupées par les jihadistes, elle a servi de plateforme aérienne pour les opérations menées au Mali pendant neuf ans, avec l’accord de Niamey. Avec la fin de l’opération Barkhane, en 2022, le président Mohamed Bazoum avait autorisé le redéploiement sur son territoire d’une partie des troupes françaises empêchées d’opérer au Mali par la junte, et le Parlement avait autorisé l’arrivée de forces spéciales européennes. Fin 2022, un autre putsch, mené au Burkina Faso, avait précipité le départ de la force Sabre, plus grosse base des forces spéciales françaises à l’étranger, à partir de laquelle les commandos menaient des raids contre les chefs jihadistes

Après ces deux revers, la France avait réarticulé sa présence au Sahel. Fin février 2023, Emmanuel Macron avait annoncé «une diminution visible» des effectifs militaires français en Afrique et promu un «nouveau modèle de partenariat». Terminé, les missions menées exclusivement par des forces françaises ; place au soutien déployé «à la demande» des alliés africains, que ce soit en termes de renseignement, de logistique, de génie, de formation, d’appui aérien ou de troupes engagées au combat au sol.

Renseignement et combat antiterroriste

Alors que la force Barkhane comptait près de 4 600 militaires français, aujourd’hui environ 1 000 d’entre eux sont stationnés au Tchad, et 1 500, dont probablement plus d’une centaine de forces spéciales de la force Sabre, sont engagés aux côtés des forces armées nigériennes. Trois avions Mirage et une demi-douzaine de drones Reaper français stationnent en permanence à Niamey. D’une envergure de 20 mètres, équipés de caméras infrarouges et capables d’emporter des bombes à guidage laser et des missiles, ces derniers peuvent assurer des missions jusqu’à 2 500 kilomètres sur toute la bande sahélienne. Un soutien bienvenu pour le Niger, pris en étau entre deux insurrections islamistes armées.

Dans le Sud-Est, les hommes de Boko Haram, venus du Nigeria, mènent des incursions dans la région de Diffa. Dans l’Ouest, le long des frontières malienne et burkinabè, l’armée nigérienne fait face à deux puissants groupes jihadistes : le Jnim, affilié à Al-Qaeda, mais surtout l’Etat islamique au Grand Sahara. En 2019 et 2020, une nuée de ses combattants arrivés à moto avaient pris d’assaut des bases militaires à Chinégodar et Inates, massacrant des dizaines de soldats nigériens. Dans certaines poches de la région de Tillabéri, les jihadistes sont aujourd’hui devenus maîtres des zones rurales, où ils rackettent et pillent la population. C’est dans cette zone que les militaires français sont les plus actifs, aux côtés de leurs frères d’armes nigériens. En plus de l’opération Almahaou, dirigée conjointement par l’armée française et les forces nigériennes, Niamey a mené en avril et en mai les opérations Eghahane et Agab dans la région dite «des trois frontières», avec l’aide de l’armée de terre, des avions et des parachutistes français.

Vingt-quatre heures après le putsch, qui semble avoir surpris tout le monde, la position de Paris se résumait encore en deux phrases sur le site du Quai d’Orsay : «La France est préoccupée par les événements en cours au Niger et suit attentivement l’évolution de la situation. Elle condamne fermement toute tentative de prise de pouvoir par la force et s’associe aux appels de l’Union africaine et de la Cedeao [Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, ndlr] pour rétablir l’intégrité des institutions démocratiques nigériennes». Alors qu’au Mali et au Burkina Faso, les récents coups d’Etat s’étaient accompagnés de l’expression d’un fort sentiment antifrançais, le sujet n’avait pas été évoqué à Niamey, jusqu’à ce que, jeudi après-midi, les putschistes accusent la France d’être «passée outre» leurs «injonctions» de fermeture des frontières en faisant atterrir dans la capitale, à l’aube, un avion de transport militaire. Ce «communiqué numéro 4 du président du conseil national pour la sauvegarde de la patrie», lu face caméra par le colonel-major Amadou Abdramane, rappelle le «partenaire français» au «respect strict des dispositions» prises par les nouveaux maîtres de Niamey. A Khartoum, en avril, c’est avec les avions A400M que Paris avait pu, lors de l’opération Sagittaire, évacuer d’urgence des centaines de ressortissants de 80 nationalités