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ALGER, AP- Au-delà de la victoire du parti au pouvoir, le FLN, ces dernières législatives sont loin de répondre aux demandes de la majorité des Algériens.

L’abstention, premier parti d’Algérie devant le Front de libération nationale (FLN) ? Après 72 heures d’attente, les résultats provisoires aux élections législatives anticipées du samedi 12 juin sont tombées. En résumé : s’il était attendu que l’abstention soit à un niveau élevé, la victoire du parti au pouvoir constitue une surprise, tant ce parti était considéré comme discrédité, à bout de souffle, en raison de sa compromission avec l’ex-président Abdelaziz Bouteflika, chassé du pouvoir en février 2019 par le Hirak. Et ce, même s’il bénéficie d’une implantation ancienne et étendue.

Les résultats étaient très attendus puisqu’il s’agit des premières législatives depuis le soulèvement populaire du Hirak, qui a abouti à la démission de Bouteflika après 20 ans de pouvoir. Ils donnent le FLN en tête avec 105 sièges sur 407, suivi des candidats indépendants avec 78 sièges, a indiqué mardi le président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE). Ces élections se sont déroulées dans un climat tendu de répression généralisée dans un pays en pleine crise, alors qu’une partie de l’opposition avait appelé au boycottage du scrutin.

Les Algériens devaient choisir parmi 2 288 listes, dont plus de 1 200 s’affichaient comme « indépendantes ». Une première. Pour les observateurs, ces listes ont été ouvertement encouragées par un pouvoir en quête de renouvellement de sa légitimité.

Les partis traditionnels rafflent la mise

Concrètement, l’assemblée qui se dessine pourrait sceller une alliance entre le FLN, le RND, les indépendants et les islamistes modérés. Arrivé en seconde position, l’allié traditionnel du FLN, le Rassemblement national démocratique (RND), a remporté 57 sièges (14 %). La principale formation islamiste du pays, le Mouvement de la société pour la paix (MSP, conservateur), arrive troisième avec 64 sièges.

Le MSP, considéré comme modéré, qui avait revendiqué la victoire après le scrutin, avait mis en garde contre « les nombreuses tentatives de modifier les résultats ». Des déclarations « infondées », selon l’ANIE. « Les fondations de ce Parlement ont été construites en toute liberté et transparence par le peuple », a affirmé Mohamed Chorfi, lors d’une conférence de presse.

Ex-parti unique et principale formation du Parlement sortant, le FLN enregistre néanmoins un important recul en nombre de sièges, selon les premiers chiffres officiels provisoires. Il perd plus de 50 sièges pour ne plus contrôler qu’un quart des élus de la nouvelle assemblée. « Le FLN tant décrié dans la rue est arrivé en tête aux législatives. Avec son jumeau RND, l’alliance présidentielle sous #Bouteflika garde la majorité dans la nouvelle Assemblée. Ajoutés qq pseudos indépendants, des islamistes tolérés, v’la l’#Algerie nouvelle après #Hirak », raille Rahim, un internaute, sur Twitter.

Un record d’abstention

Signe du fort désintérêt des Algériens, le taux de participation ? 23,03 % ? a atteint le niveau le plus bas de l’histoire de l’Algérie, toutes élections confondues, selon l’ANIE. « Le taux est extrêmement bas. C’est un chiffre qui montre à quel point cette élection, comme celles qui l’ont précédée, ne constitue pas la solution à la crise », a déclaré à l’AFP Louisa Dris Aït Hamadouche, enseignante en sciences politique à l’université d’Alger.

En dépit d’un nombre très élevé de candidats indépendants, l’abstention est encore plus élevée que lors de la présidentielle de 2019 et du référendum constitutionnel de 2020 (60 % et 76 % respectivement).

Sur plus de 24 millions d’électeurs, l’Autorité a fait état de 5,6 millions de votants, dont plus d’un million de bulletins nuls. Un premier taux de participation provisoire de 30,20 %, déjà très faible, avait été annoncé dès dimanche. Mais le délai dans la publication des résultats ? en raison du dépouillement « compliqué » par un nouveau mode de scrutin ? avait déclenché une polémique sur un éventuel « gonflement » de ce chiffre. À titre de comparaison, la participation avait atteint 35,70 % lors des dernières législatives de 2017 et 42,90 % en 2012.

Dans l’attente de la cartographie électorale officielle, les premiers résultats montrent que les votants ont été moins nombreux dans les grandes villes vivant depuis 2019 au rythme de la contestation populaire du Hirak et que la fronde persiste en Kabylie (Nord-Est), région berbérophone traditionnellement frondeuse où le vote a été quasi nul.

Le pouvoir veut tenir sa feuille de route

Depuis des années, les analystes qualifient l’abstention de « plus grand parti en Algérie ». Mais le président Abdelmadjid Tebboune a d’ores et déjà choisi d’ignorer le chiffre de la participation. « Pour moi, le taux de participation n’a pas d’importance. Ce qui m’importe, c’est que ceux pour lesquels le peuple vote aient une légitimité suffisante », a-t-il argué après avoir voté. Le pouvoir, est en effet déterminé à imposer sa « feuille de route » électoraliste, en ignorant les revendications du Hirak : État de droit, transition démocratique, souveraineté populaire, justice indépendante. Depuis son élection, marquée par une forte abstention (60 %), le président Tebboune, pur produit du sérail âgé de 75 ans, est en quête de légitimité, dans un pays où la population a perdu confiance dans ses dirigeants. La tâche s’annonce ardue dans un pays dont l’économie subit lourdement et durablement les effets de la pandémie de Covid-19 qui vient s’ajouter à la crise pétrolière. Soixante ans après son indépendance, l’économie reste ancrée dans une tradition de forte intervention étatique. Le pays est très dépendant de la rente pétrolière ? plus de 90 % de ses recettes extérieures ?, qui subventionne notamment carburants, gaz, électricité, eau, santé, logements et produits de base. Et les autorités font face à une multiplication des conflits sociaux, alimentés par un taux de chômage élevé (15 %) et une paupérisation de larges franges de la société.