Une nouvelle, qui tient de l’anecdote, mais qui est bien réelle, a retenu l’attention des millions de personnes sur la Toile : un couple, qui vivait sous le régime de la séparation des biens, avait décidé de se séparer. Le juge, tenant compte de ce qu’a fait cette mère de famille durant vingt ans de vie commune, a condamné l’époux qui avait demandé le divorce, à payer deux cent mille euros de dommages. Il a tout simplement pris en compte les sacrifices de cette femme au foyer qui, malgré son très bon niveau universitaire, a choisi de s’occuper de ses enfants et d’en faire des citoyens éduqués et utiles pour la société.
C’est bien entendu sans commentaire et les hommes de loi diront si ce jugement pourrait être classé au rang des cas de jurisprudence.
Par conviction
Nous possédons un très grand nombre de dames qui ont fait ce choix. Non pas parce que leurs époux étaient en mesure de faire vivre décemment la famille, mais par conviction. C’est une éducation et des choix du cœur qui devraient être considérés à leur juste valeur.
Mieux que cela, il y a de ces femmes qui, pour des raisons financières, sont dans l’obligation de travailler, mais qui sont contraintes de s’occuper parallèlement des enfants, de cuisiner, de laver le linge et de veiller à ce que les enfants fassent convenablement leurs devoirs et apprennent leurs leçons.
A ce propos, nous avons eu l’occasion de connaître une famille dont la fille aînée nous avait confié qu’elle n’a découvert que sa mère ne savait pas lire l’arabe, qu’en… troisième année. Elle faisait répéter les lectures de ses deux filles qui, en dépit de son ignorance de cette langue, avaient les meilleures notes de lecture et une diction de très bonne facture. Allez savoir comment, mais c’est véridique. Voilà l’exemple d’une mère qui était veuve, n’avait pas les moyens de payer à ses deux filles des cours particuliers, mais qui n’avait pas baissé les bras. L’une est actuellement avocate, l’autre est professeure !
C’est dire que ces héroïnes méritent qu’on les fête. En Tunisie, elles ont l’opportunité d’être fêtées à deux reprises, l’une à l’occasion de la Journée internationale de la femme et la seconde à la faveur de la Journée nationale de la femme décidée à la parution du code de statut personnel.
Tous les égards
Mais tout n’est pas toujours aussi rose. Ces femmes, qui constituent la cheville ouvrière de l’agriculture du pays, méritent tous les égards. Elles demeurent admirables de courage et de ténacité. Les conditions difficiles dans lesquelles elles travaillent par tous les temps, en contrepartie d’un salaire presque insignifiant, les risques et accidents auxquels elles s’exposent, en allant ou en rentrant au terme d’une rude journée de travail, ne se comptent plus. A l’heure où elles pataugent dans la boue, leur mari, chômeur de luxe, passe allégrement ses heures sur une terrasse de café à jouer aux cartes….
Une femme au foyer, ce n’est pas toujours les mêmes motivations. Il y a celles qui organisent la vie de leur famille comme du papier à musique. Chaque chose en son temps et chaque chose à sa place. La famille est sacrée. Rien ne se fait au hasard. Tout le monde joue un rôle bien déterminé et tout est organisé. De l’heure du réveil à l’extinction des… feux ! Une discipline, des traditions, des habitudes qui, il est vrai, se perdent, mais elles existent.
Ces femmes ont choisi de rester à la maison et de se consacrer à leurs familles. Ce n’est pourtant pas le niveau et les diplômes qui manquent, mais, au vu des bouleversements que subit la société dans tous les pays du monde, deux salaires ne sont pas, ne sont plus de trop pour tenir le coup.
La conscience tranquille
D’autres se soucient beaucoup plus des rendez-vous avec le coiffeur ou de la séance de pédicure que des devoirs que devront faire leurs enfants. Elles leur assurent des cours particuliers et pensent qu’elles ont la conscience tranquille en accordant peu de cas à ce qu’ils font à l’école. Ni le père ni encore moins la mère ne s’en soucient.
D’après un pédagogue à la retraite, on trouve dans cette catégorie d’enfants le plus grand nombre d’échecs scolaires.
Sur le chemin de Medjez El Bab, sous une pluie fine, la tête couverte d’un simple chapeau, l’une d’elles, un bébé sur le dos, avait bien voulu nous expliquer de quelle manière elle arrivait à tenir le coup et être présente tous les jours dans ce champ immense et surtout dans ces conditions, par ce temps détestable et avec un bébé sur le dos : « Je n’ai pas le choix. J’aurais bien voulu rester à la maison mais…, mon mari ne travaille pas. Mon fils a six ans et va à l’école. C’est sa première année et c’est un bon élève. Quant à mon bébé, où vais-je le laisser ? Ma famille et celle de mon mari habitent très loin d’ici. Je n’ai pas de choix. C’est une question d’habitude. Il s’est habitué et je prends la précaution de le couvrir comme il faut. Je suis la seule à travailler, car mon mari, qui a été gardien dans une usine de conditionnement a été licencié. Le propriétaire a récemment fermé. On a promis de l’engager ailleurs, mais en attendant, il faut bien vivre. Je fais ce que je peux et grâce à Dieu, nous tenons le coup.
Nous avons des voisins qui ont accepté de faire sortir leur fille de l’école pour en faire une bonne à Tunis. Elle a de la chance, ce travail est maintenant bien encadré. Elle pourra gagner décemment sa vie, à la condition qu’elle tombe dans une famille qui lui donnera ses droits (!?). Moi, j’ai un diplôme de pâtissière, mais je préfère travailler dans les champs. J’aime la terre et l’agriculture. Je gagne un peu plus. Ce genre de main-d’œuvre se fait de plus en plus rare et on est mieux considéré. Reste les déplacements qui demeurent difficiles et… dangereux, en dépit des promesses que l’on fait après chaque drame ».
Reste à savoir, par les temps qui courent, si cette fonction de femme au foyer existe encore.