Au Tchad, le journaliste Service Ngardjelai affirme avoir été frappé et torturé au cours de sa détention dans le bagne de Koro Toro, situé à 600 kilomètres au nord de N’Djamena. Travaillant pour une télévision privée, il a été libéré dimanche dernier (14 mai) alors qu’il avait, dit-il, bénéficié d’une ordonnance de non-lieu depuis décembre 2022. Service Ngardjelai avait été arrêté lors des manifestations du 20 octobre dernier, sans explication officielle. Celui qui compte raconter prochainement dans un livre ce qu’il a vécu durant sept mois en prison est encore affaibli et sous le choc. Entretien.
Service Ngardjelai: Je me tiens debout. Sinon, la santé n’est pas du tout parfaite. Je suis vraiment méconnaissable, fatigué, presque mourant. Je ne me reconnais plus parce que vous voyez, la prison, ce n’est pas un lieu facile, c’est presque l’enfer en Afrique, et précisément au Tchad. Je souffre au niveau de ma colonne vertébrale, c’est avec les crosses que les gens me cognaient dessus, c’est avec les rangers les gens me cognaient dessus. J’ai aussi un problème neurologique au niveau de mes doigts. Les nerfs ne tiennent pas.
DW : Mais pourquoi avez-vous été arrêté ?
Service Ngardjelai : Je ne sais pas. J’étais dans ma chambre. Ils sont venus pour casser les portes. Quand je sortais, j’ai reçu un coup de gifle d’un des militaires et on nous a pris pour nous ligoter là, dans la cour de notre concession. Ils nous ont torturés et après ils nous ont amenés et moi je me suis présenté comme journaliste. Donc, la réponse qu’on m’a donnée en arabe était « vous les journalistes, c’est vous les comploteurs, vous essayez de dénoncer les choses ». Personnellement, jusqu’à présent, je ne connais pas la raison.
Comment étaient les conditions, vos conditions de détention ?
Service Ngardjelai : Il n’y a pas une bonne alimentation. On nous mettait dans les cellules où habitaient les moutons. On était couchés sur les déchets des moutons, l’urine des moutons et des chèvres, donc plein de poux. On dormait à même le sol. Pas de nattes. Du 23 octobre jusqu’au 1ᵉʳ novembre, si j’ai bonne mémoire, la délégation du CICR du Tchad, précisément à N’Djamena, est partie derrière nous. C’est à ce moment que le CICR nous a donné à chacun une natte d’une place plus cinq boules de savon chacun, plus un drap pour qu’on puisse se couvrir. Sinon, ce n’était pas facile. Les tortures corporelles, les tortures psychologiques, morales, nous les avons vécues. Si vraiment l’opinion internationale avec les partenaires pouvaient vraiment voir cette possibilité avec le gouvernement, de supprimer carrément cette prison, de Koro Toro, ça va être vraiment un ouf de soulagement non seulement pour les Tchadiens mais les autres nationalités aussi.
Auteur: Reliou Koubakin