
AP- C’est une ligne mythique créée en 1924. Elle relie le port maritime de Dakar au port de Koulikoro sur le fleuve Niger, via Bamako, la capitale du Mali. Et c’est ensuite par voie fluviale que les voyageurs et les marchandises atteignent Gao, au Mali. Le Dakar Bamako Ferroviaire (DBK), c’est un long ruban de 1287 km, émaillé de 33 gares. Un service qui, du temps de sa splendeur, faisait vivre 1 200 salariés au total sur les deux pays. Artère vitale, elle reliait le port de Dakar à son hinterland et permettait de désenclaver le Mali.
Mais depuis mai 2018, le chemin de fer Dakar Bamako Ferroviaire est à l’arrêt. Cette infrastructure historique et fondamentale pour l’économie de l’Afrique de l’Ouest est victime du manque d’investissement. Son délabrement est la conséquence d’un dilemme qui n’a jamais été tranché : rénover la ligne ou en construire une nouvelle.
Régulièrement, les hommes politiques de la région font des promesses de relance. En 2003, la privatisation intégrale au profit du consortium canadien Canac-Getma se solde par un échec. Puis, deuxième échec, en 2015, celui de la société Transrail qui avait obtenu la concession d’exploitation. L’administration transitoire mise en place en 2016, après le retrait de Transrail, a également échoué.

Fin 2019, le Mali annonçait la rénovation de sa section de ligne entre Bamako, la capitale, et la frontière sénégalaise. Une enveloppe de 10 milliards de francs CFA (plus de 15 millions de francs) va être affectée à ces travaux. Un geste très symbolique qui ne va guère peser sur l’état des 586 km de voie et des 19 gares côté malien.
En 2015, la société Transrail avait proposé un plan de rénovation de l’ensemble de la ligne. Il se montait à 880 millions d’euros pour les 1200 km de la ligne, soit un investissement six fois supérieur à celui annoncé par le Mali aujourd’hui. Sans subsides, le plan n’a jamais été mené à bien et tout cela s’est achevé par la fermeture de la ligne.

Projet encore plus coûteux, la construction d’une nouvelle ligne est estimée entre 2,6 milliards et 3,5 milliards d’euros. Impensable pour les finances des deux pays, qui doivent trouver une aide étrangère. Or, la Banque Mondiale tout comme l’Agence Française de Développement (AFD) se sont retirées du dossier.

À la mi-2020, Kibily Touré a été nommé par décret à la tête de la toute nouvelle société nationale les Chemins de fer du Sénégal (CFS) avec pour mandat de sortir le rail de l’ornière. Placé sous la double tutelle du ministère des Infrastructures et du ministère des Finances, le natif de Tambacounda a récupéré les rênes d’une CFS à laquelle la présidence a rendu tous les domaines historiquement affectés aux activités ferroviaires. Des terrains parfois squattés, que Kibily Touré a réclamés. « Soit les gens les libèrent, soit ils doivent payer. J’avais 24 hectares à récupérer sur le port de Dakar, 16 ha m’ont déjà été restitués, le reste doit suivre », indique-t-il.
Bénéficiant de la confiance de Macky Sall, Kibily Touré a pu partir à la recherche d’un nouveau partenaire financier. À la fin de juin 2021, la CFS a trouvé un accord de principe avec la Corporation commerciale canadienne (CCC), validé par Dakar et Ottawa.
LE CHANTIER POURRAIT COMMENCER DÈS SEPTEMBRE 2022 ET DURER QUATRE ANS ET DEMI
Cette société d’État chargée de développer le commerce extérieur canadien travaille actuellement avec Kibily Touré pour structurer un plan d’investissement de 3 milliards de dollars afin de construire une nouvelle double voie de 656 kilomètres entre Dakar et Tambacounda ainsi que 194 kilomètres de bretelles pour rejoindre les sites miniers et industriels. Encouragé par les annonces récentes du G7, qui entend contrer l’offensive chinoise sur le continent dans les infrastructures, Kibily Touré estime pouvoir réunir ce montant. L’endettement sera porté par une société d’exploitation contrôlée par l’État sénégalais et dont le capital sera ouvert à d’autres partenaires, à commencer par CCC.