Niger : frontières fermées, président détenu… ce que l’on sait du coup d’État revendiqué par l’armée
par Afrique Pressee
damisjunior@yahoo.fr

Cela avait commencé comme un simple « mouvement d’humeur anti-républicain » de la garde présidentielle. C’est devenu, en quelques heures, un putsch. Le chef de l’État nigérien, Mohamed Bazoum, en place depuis 2021, a été renversé mercredi soir, aux dires des forces de la garde présidentielle. Le Niger devient le troisième pays du Sahel miné par les attaques de groupes liés à l’État islamique
et à Al-Qaïda, à connaître un coup d’État depuis 2020, après le Mali et le Burkina Faso. Que s’est-il passé ? La journée de mercredi a été marquée par des tensions à Niamey. En début d’après-midi, la présidence du Niger a annoncé un « mouvement d’humeur anti-républicain » de la garde présidentielle, qui retenait le Mohamed Bazoum et sa famille dans la résidence officielle depuis le matin.
Des tentatives de pourparlers entre le président et les militaires ont eu lieu en milieu de journée, en vain. Initialement, une médiation ouest-africaine devait tenter de trouver une solution à ce qui n’était encore qu’une tentative de coup d’État en cours, ce jeudi. Mercredi soir, le président béninois, Patrice Talon, était même en route pour Niamey.
Mais ce mercredi soir, le colonel-major Amadou Abdramane, entouré de neuf autres militaires en tenue, a annoncé à la télévision que les « Forces de défense et de sécurité (FDS), réunis au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) » avaient décidé de mettre fin au régime que vous connaissez », celui du président Bazoum. « Cela fait suite à la dégradation continue de la situation sécuritaire, la mauvaise gouvernance économique et sociale », a-t-il ajouté. La déclaration des putschistes semble indiquer que tous les corps de l’armée, de la police, et de la gendarmerie se sont ralliés à la garde présidentielle. Le gouvernement n’entend visiblement pas lâcher le pouvoir si facilement aux militaires. Sur X (le nouveau nom de Twitter), Hassoumi Massoudou, le ministre des Affaires étrangères du Niger, a assuré qu’il était « chef du gouvernement par intérim » et appelé « tous les démocrates, tous les patriotes » à « mettre en échec cette aventure porteuse de tous les périls pour notre pays ». « Les acquis obtenus de haute lutte seront sauvegardés », a quant à lui voulu rassurer le président lui-même depuis son propre compte X. « Le pouvoir légal et légitime est celui exercé par le président élu du Niger Mohamed Bazoum », a réitéré Hassoumi Massoudou auprès de France 24 ce jeudi. Où est le président ?
Durant toute la journée de mercredi, et avant que le coup d’État ne soit officialisé à la télévision, les informations officielles rapportaient que Mohamed Bazoum et sa famille étaient à la résidence présidentielle officielle, et se portaient bien. « J’ai parlé au président et à des amis ministres, ils vont bien », avait notamment déclaré un député du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS, au pouvoir).
Dans son message vidéo mercredi soir, le colonel-major Amadou Abdramane a tenu à « rassurer la communauté nationale et internationale par rapport au respect de l’intégrité physique et morale des autorités déchues conformément aux principes des droits humains ». Dans un entretien accordé à France 24 ce jeudi, le chef de la diplomatie et chef du gouvernement nigérien par intérim, Hassoumi Massoudou, a répété que Mohamed Bazoum était « en bonne santé ». Quelle est la situation au Niger ? Pour l’heure, le Niger est inaccessible.
« Les frontières terrestres et aériennes sont fermées jusqu’à la stabilisation de la situation », on fait savoir les militaires, qui ont par ailleurs instauré un couvre-feu « à compter de ce jour de 22 heures à 5 heures du matin (soit de 23 heures à 06 heures, heure française) sur toute l’étendue du territoire jusqu’à nouvel ordre ». À Niamey, des manifestants favorables au président Bazoum qui tentaient de s’approcher de sa résidence officielle ont été dispersés par des tirs de sommation de la garde présidentielle ce mercredi soir, a constaté un journaliste de l’AFP.
La présidence nigérienne a affirmé que « des manifestations spontanées de défenseurs de la démocratie ont éclaté un peu partout dans la ville de Niamey, à l’intérieur du pays et devant les ambassades du Niger à l’extérieur ». « La nuit a été calme jusqu’à tout à l’heure. À suivre », a commenté une source diplomatique française, selon laquelle il n’y a, pour l’heure, pas de raison d’évacuer les ressortissants français. « On est en contact avec les autorités du pays, on évalue la situation », a précisé cette même source auprès du Parisien. Côté politique, « toutes les institutions issues de la VIIe République sont suspendues, les secrétaires généraux des ministères se chargeront de l’expédition des affaires courantes, les Forces de défense et de sécurité gèrent la situation, il est demandé à tous les partenaires extérieurs de ne pas s’ingérer », indique en outre la déclaration.
Le colonel-major Amadou Abdramane a également eu un mot pour la communauté internationale, affirmant « l’attachement » du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) au « respect de tous les engagements souscrits par le Niger ». Quelles sont les réactions ? Les réactions de soutien au président Mohamed Bazoum ont été nombreuses, tout au long de la journée cruciale de mercredi. Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, qui avait pu lui parler, avait exprimé son « soutien total » et « sa solidarité ». Il a ensuite condamné « fermement le changement anticonstitutionnel de gouvernement » au Niger. La Maison Blanche a exigé « spécifiquement que les membres de la garde présidentielle libèrent le président Bazoum et s’abstiennent de toute violence », rappelant que le Niger est « un partenaire crucial » pour les États-Unis.
Depuis la Nouvelle-Zélande où il est en déplacement, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a lui aussi appelé à la « libération immédiate » de Mohamed Bazoum. « Je me suis entretenu avec le président Bazoum plus tôt dans la matinée et je lui ai dit clairement que les États-Unis le soutenaient résolument en tant que président démocratiquement élu du Niger. Nous demandons sa libération immédiate », a déclaré Antony Blinken. Le chef de la diplomatie américaine a même conditionné la poursuite du versement de l’aide américaine au Niger au « maintien de la démocratie ». La France a condamné « toute tentative de prise de pouvoir par la force » au Niger, a déclaré de son côté la ministre française des Affaires étrangères, Catherine Colonna, sur le site du Quai d’Orsay.
« Elle condamne fermement toute tentative de prise de pouvoir par la force et s’associe aux appels de l’Union africaine et de la CEDEAO pour rétablir l’intégrité des institutions démocratiques nigériennes », a-t-elle écrit dans un message aussi publié sur Twitter, rebaptisé « X ».
Ce jeudi matin, une source diplomatique française a fait savoir au Parisien que les pays européens s’étaient concertés avec les États-Unis et les Nations Unies et étaient en discussion avec « les autorités légitimes du Niger ». Si les Occidentaux réagissent si vivement, c’est que le Niger est l’un des derniers alliés dans une région du Sahel ravagée par la violence djihadiste et dont deux voisins, le Mali et le Burkina Faso, dirigés par des militaires putschistes, se sont tournés vers d’autres partenaires, dont la Russie. La France y a par exemple déployé 1 500 soldats. Y a-t-il eu des précédents ? L’histoire du Niger, vaste pays pauvre et désertique, est jalonnée de coups d’État.
Depuis l’indépendance de cette ex-colonie française en 1960, il y en a eu quatre : le premier en avril 1974 contre le président Diori Hamani, le dernier en février 2010 qui a renversé le président Mamadou Tandja. Sans compter les tentatives de putsch, nombreuses. En avril 2022, Ousmane Cissé, ancien ministre nigérien de l’Intérieur d’un régime de transition militaire (2010-2011), avait été écroué pour son implication présumée dans un putsch raté en 2021. En février, il a été relaxé faute de preuves, mais cinq des militaires présentés comme les principaux meneurs de la tentative de coup d’État de 2021, ont été condamnés à 20 ans de prison.