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C’était une époque de renouveau. De nombreux pays africains venaient d’accéder à l’indépendance.

« Lorsque l’Organisation de l’unité africaine a été créée le 25 mai 1963, elle était le symbole de la libération des peuples africains et de leur espoir d’un avenir heureux », détaille Adriano Nuvunga, militant des droits de l’Homme et président de l’organisation non gouvernementale mozambicaine CDD (Centre pour la démocratie et le développement).

Ce sentiment de bouleversement est alors perceptible dans les discours : « Nous devons nous unir ou périr », invoquait le premier président du Ghana, Kwame Nkrumah.

A l’époque, le défi était d’en finir avec l’ingérence étrangère et de donner à l’Afrique unie une voix forte sur la scène internationale.

Soixante ans plus tard, l’organisation qui lui a succédé, l’Union africaine (UA), fait régulièrement l’objet de vives critiques. Adriano Nuvunga l’illustre : « Aujourd’hui, l’Union africaine est une organisation qui défend surtout l’intérêt des puissants. Elle est inefficace et se révèle toujours incapable d’assurer la prospérité, la sécurité et la paix pour tous les Africains. »

En Afrique, ni paix ni sécurité

Les représentants de la société civile en Afrique répètent inlassablement que l’UA ne remplit pas sa mission de garantir la paix et la sécurité sur le continent. Selon Adriano Nuvunga, les crises au Soudan, au Tigré, au Sahel, n’ont pas été abordées avec assez de détermination.

De même, au nord de son pays natal, le Mozambique, l’UA repousse la résolution d’une crise dans la région de Cabo Delgado : « Une vingtaine de pays africains connaissent actuellement des conflits armés. Mais l’Union africaine ne se sent apparemment pas compétente. Elle semble dépassée par les événements. »

Pour l’Allemagne, l’Union africaine reste un partenaire important

Le chancelier allemand Olaf Scholz s’est exprimé tout autrement lorsqu’il s’est rendu en Ethiopie et au Kenya début mai 2023.

Lors d’une conférence de presse à Addis-Abeba, il a évoqué la création d’un siège pour l’Union africaine au sein du G20 – ce groupement informel de 19 puissances économiques et de l’Union européenne qui existe depuis 1999.

« Plusieurs Etats m’ont signalé leur soutien à l’introduction de l’UA au cours de nos discussions, et je suis fermement convaincu que ma proposition peut se concrétiser le plus tôt possible », a déclaré Olaf Scholz après un entretien avec le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat.

L’UA est en effet sur le papier une puissance importante, représentante d’1,4 milliard d’habitants. Les 55 Etats africains reconnus par la communauté internationale y sont regroupés.

Des problèmes communs aux organisations internationales

Pourtant l’UA peine à remplir son rôle d’assurer prospérité, sécurité et paix. Les missions de paix assurées par des troupes africaines se sont pour l’instant avérées peu efficaces, selon Hager Ali, experte de l’Afrique à l’Institut GIGA pour les études africaines à Hambourg.

« Le problème de l’effacement de l’Union africaine découle aussi de facteurs que l’on retrouve fondamentalement dans d’autres organisations internationales », précise-t-elle. Cela tient au principe de subsidiarité, qui amène l’UA à laisser agir les organisations sous-régionales.

« D’un point de vue légal, les organisations internationales comme l’Union africaine ne peuvent et n’ont simplement pas le droit de contourner la souveraineté d’autres Etats pour intervenir de manière plus invasive dans les conflits afin de les résoudre. »

Sur un continent marqué par l’histoire coloniale, il n’est en outre pas souhaitable qu’une force extérieure intervienne dans un Etat.

Quid du rôle de médiateur ?

Il reste donc à l’Union africaine son rôle de médiateur. Tirant les leçons des échecs de l’Organisation de l’unité africaine, l’UA fait reposer sa méthode de résolution pacifique des conflits sur la nomination de médiateurs, souvent des anciens chefs d’Etat dont la légitimité repose sur leur expérience.

Dans la province éthiopienne du Tigré, l’organisation s’est efforcée de jouer le rôle de médiateur, mais le Front populaire de libération du Tigré (TPLF) a toujours refusé sa présence.

L’organisation basée à Addis-Abeba est trop partiale, pouvait-on alors entendre. En novembre 2022, des discussions ont tout de même eu lieu à l’initiative de l’Union africaine et ont abouti à un cessez-le-feu.

Là encore, les opérations de maintien de la paix dans lesquelles l’Union africaine a été impliquée au Soudan et au Mali n’avaient pas pour objectif de régler les conlits régionaux aux dépends des Etats, mais bien de protéger les civils, de créer et de garantir un cadre de gestion des conflits.

« Ne pas négliger la société civile »

Il est finalement très difficile d’évaluer si l’Union africaine remplit bien son rôle de médiateur. « Dans les négociations, il s’agit de savoir si l’UA crée de bonnes conditions de discussion pour les acteurs du conflit. La réussite effective de ces négociations dépend souvent des acteurs eux-mêmes », ajoute l’experte.

Malgré tout, l’Union peut effectivement échouer en ne mettant pas en place le cadre de négociation à temps, ou en amenant les mauvais acteurs à la table. « Aujourd’hui, notamment dans le cas du Soudan, l’Union africaine court concrètement le risque de négliger les acteurs civils et non étatiques et de n’offrir une plateforme qu’aux responsables de la violence : le président de facto Al-Burhan et le chef des Forces de Soutien Rapide, Mohamed Hamdan Daglo. », souligne Hager Ali.

Or ce sont précisément les acteurs non étatiques et les civils qui souffrent de cette crise. C’est ce à quoi l’UA se confronte dans tous les conflits impliquant des acteurs de la société civile, comme au Mali ou dans la région du Tigré.

Enfin, la longévité des crises au Soudan, en Libye, dans le Sahel ou dans la région du Tigré montre que cette méthode peine encore à s’imposer.

Auteur: Antonio Cascais, Diane Merveilleux