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Abdelmalek Boudiaf a été condamné pour des malversations commises lorsqu’il était ministre de la Santé, mais aussi wali de Constantine.

Après une brève pause, les procès résultant des vastes enquêtes sur des faits présumés de corruption, ouverts à la suite du départ forcé du président Bouteflika en avril 2019, ont repris en ce début du mois. L’ancien ministre de la Santé, Abdelmalek Boudiaf, a été condamné ce mardi par le pôle économique et financier du tribunal algérois de Sidi M’Hamed à sept ans de prison ferme, ainsi qu’à une amende de 4 millions de dinars et à la confiscation de tous ses biens et comptes bancaires.

À ses cotés dans le box des accusés, son fils a écopé de quatre ans de prison et sa fille, ainsi que l’ancien directeur général de la Pharmacie centrale, M’Hamed Ayad, de dix-huit mois de réclusion. L’épouse du principal accusé a été quant à elle acquittée.

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Abdelmalek Boudiaf, 68 ans, qui était poursuivi pour enrichissement illicite, blanchiment d’argent, recel dans le cadre d’un groupe criminel et octroi d’indus avantages lorsqu’il était wali (préfet) de Constantine, puis ministre de la Santé entre 2013 et 2017, vient ainsi allonger la liste de la vingtaine d’ex-ministres qui sont sous les verrous pour des faits de malversations et corruption dans des secteurs divers, tels que les travaux publics, les ressources en eau, le commerce, les finances, l’industrie, le travail, les télécoms, l’énergie, les relations avec le Parlement et la solidarité nationale.

Abdelmalek Boudiaf est le deuxième ex-ministre de la Santé envoyé en détention après Djamel Ould Abbès, qui purge depuis juillet 2019 une peine de huit ans de prison dans le cadre d’une affaire liée à la gestion du budget de la solidarité nationale.

Au cœur de l’affaire Boudiaf, des marchés d’équipement de radiothérapie accordés à l’un des associés de ses enfants, en l’occurrence le patron du laboratoire Lad Pharma, un des plus grands investisseurs dans le domaine pharmaceutique. La transaction a engendré, selon l’acte d’accusation, un préjudice financier au Trésor public de l’ordre de 7 milliards de dollars. « C’est en usant de cette combine diabolique que ce dernier, qui n’avait pas besoin d’associés, a bénéficié de marché de gré à gré pour l’importation d’accélérateurs pour la radiothérapie », a assuré le représentant du ministère public lors de son réquisitoire.

Capitaux contre marchés publics

Abdelmalek Boudiaf était aussi accusé d’avoir fait profiter un deuxième associé de son fils, un homme d’affaires algérien propriétaire également de sociétés au Luxembourg et en Belgique, de marchés obtenus de gré à gré auprès de la Pharmacie centrale des hôpitaux, via ses entreprises implantées dans le pays, pour l’importation de médicaments et de la matière première médicale. « Les bénéfices estimés à plusieurs millions d’euros réalisés par ces sociétés n’ont pas été rapatriés, et sont restés en Europe », a fait savoir le procureur de la République.

L’ancien ministre est en outre accusé de détournement de deniers publics au profit de ses enfants et de ses « amis » hommes d’affaires quand il occupait le poste de wali. Selon le réquisitoire du parquet, pour booster financièrement l’entreprise de fabrication de produits pharmaceutiques Sky Pharma des enfants de Boudiaf, l’entrepreneur immobilier Salim Nasri a injecté dans son capital 8 milliards de centimes entre 2016 et 2018. En contrepartie, précise le dossier judiciaire, il a bénéficié de plusieurs marchés immobiliers dans la wilaya de Constantine.

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Outre sa proximité avec le milieu de l’industrie pharmaceutique, Abdelmalek Boudiaf a été accusé de détournement de deniers publics lors de la réalisation de plusieurs projets dans la wilaya de Constantine. Des travaux qui tiennent du rafistolage, effectués sur des façades des rues principales de la ville, ainsi qu’une surestimation du coût de réfection de la salle de spectacle. Il lui est reproché aussi de nombreuses défaillances dans la réalisation du projet de tramway.

Placé sous mandat de dépôt depuis août 2022, l’ancien ministre de la Santé a d’abord été entendu par la Brigade économique et financière de la gendarmerie nationale sur ces dossiers remontant à son passage en tant que chef de l’exécutif de la wilaya de Constantine entre 2005 et 2010. Une audition intervenue quelques jours seulement après l’interrogatoire, par le même service, de son successeur à la tête de la même ville, l’ex-Premier ministre Noureddine Bedoui.

Scandale du RHB

Promu ministre de la santé en 2013, Abdelmalek Boudiaf avait quitté le gouvernement quatre ans plus tard, dans le sillage des remous du scandale du complément alimentaire Rahmat Rabbi (RHB, Miséricorde de Dieu) produit par un Algérien et présenté comme un remède miracle contre le diabète. La connotation religieuse a contribué à leurrer les malades, prêts à tout pour se soigner. La supercherie a duré neuf mois avant qu’Abdelmalek Boudiaf, qui au départ vantait les mérites du traitement, décide en décembre 2016 d’en interdire définitivement la commercialisation.