L’armée a suspendu mercredi les négociations menées sous l’égide des Etats-Unis et de l’Arabie saoudite pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire au Soudan, menacé de famine, accusant les paramilitaires de ne pas respecter la trêve.
L’armée du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), du général Mohamed Hamdane Daglo, en guerre depuis le 15 avril, se sont engagés à plusieurs trêves dont la dernière a été prolongée lundi pour cinq jours.
Mais les combats, qui ont déjà fait plus de 1.800 morts, selon l’ONG ACLED, n’ont jamais cessé. Mercredi encore, des habitants ont fait état d’intenses tirs d’artillerie lourde dans le nord de Khartoum.
« Il y a des tirs d’artillerie lourde depuis les bases de l’armée à Omdourman », une banlieue de la capitale, « en direction de Khartoum-Nord », a raconté un habitant à l’AFP.
Quelques heures plus tôt, l’armée avait « suspendu sa participation aux négociations » en Arabie saoudite, selon un responsable gouvernemental soudanais.
L’armée, représentée à Jeddah par des figures connues pour leur ligne dure à l’encontre des FSR, a pris cette décision « parce que les rebelles n’ont jamais appliqué un des points de l’accord de trêve temporaire qui prévoit leur retrait des hôpitaux et des maisons », a-t-il expliqué.
– Hôpitaux et maisons occupés –
Depuis le début de la guerre, le syndicat des médecins dénonce l’occupation de plusieurs hôpitaux par des belligérants.
Mercredi, le ministère de la Santé a annoncé la fermeture de neuf hôpitaux d’al-Jazira, l’Etat qui borde Khartoum au sud et accueille des dizaines de milliers de familles déplacées, « à cause de la présence des FSR autour qui menace les soignants et l’approvisionnement des établissements ».
Les trois quarts des hôpitaux dans les zones de combat sont hors d’usage, selon le syndicat. Les autres doivent composer avec des réserves quasiment vides et des générateurs à l’arrêt faute de carburant.
A Khartoum, de nombreux habitants racontent avoir été chassés de leur maison par des combattants des FSR. Ou avoir appris par leurs voisins, après avoir fui, que des paramilitaires s’y étaient installés pour y vivre ou en faire un poste de combat.
Déjà avant la guerre, un Soudanais sur trois souffrait de la faim, les longues coupures d’électricité étaient quotidiennes et le système de santé au bord de l’écroulement.
Mais toujours aucun couloir n’a été dégagé pour permettre le passage de l’aide humanitaire, dont ont désormais besoin 25 des 45 millions de Soudanais selon l’ONU. Les rares cargaisons qui ont pu être acheminées ne couvrent en rien les immenses besoins.
– Famine et déplacement –
Au total, plus d’un million et demi de personnes, principalement des Soudanais mais aussi des réfugiés au Soudan, ont été forcées de fuir.
Plus d’un million sont encore dans le pays mais 350.000 autres ont rejoint les pays voisins. La moitié sont arrivés en Egypte, en pleine crise économique, les autres au Tchad, au Soudan du Sud, en Centrafrique ou en Ethiopie.
Malgré l’urgence humanitaire – le pays est au bord de la famine selon l’ONU et la saison des pluies approche avec sa cohorte d’épidémies – les combats continuent.
Le général Burhane a appelé mardi ses troupes à « se battre jusqu’à la victoire ».
Les médiateurs américains et saoudiens jouent le jeu de la diplomatie, se gardant de sanctionner les violences.
« Ils misent sur le fait qu’en continuant de faire discuter les deux parties, ils augmentent les chances d’obtenir des engagements qui seront finalement mieux respectés », explique à l’AFP le spécialiste du Soudan Aly Verjee, chercheur à l’université suédoise de Göteborg.
Les combats sont les plus violents au Darfour, une région frontalière du Tchad, dont certaines zones sont totalement coupées du monde, sans électricité ni téléphone.
Là, de nouveaux appels à armer les civils font redouter une « guerre civile totale », selon les Forces de la liberté et du changement (FLC), le bloc civil évincé du pouvoir lors du putsch mené en 2021 par les deux généraux alors alliés.
Aujourd’hui, les partisans de la dictature islamo-militaire d’Omar el-Béchir, déchu en 2019, reviennent en force, assurent les experts, en pesant de tout leur poids derrière l’armée et le général Burhane.