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Après sa condamnation en appel, le 8 mai dernier, à six mois de prison avec sursis pour diffamation du ministre Mame Mbaye Niang, l’opposant Ousmane Sonko est à nouveau convoqué, ce 23 mai, devant les juges, pour répondre d’accusations de viols dans l’affaire Adji Sarr, du nom de cette employée d’un salon de massage qui l’a attrait en justice, et dont l’affaire défraie la chronique depuis plus de deux ans au Sénégal. Quand on sait que les précédentes convocations du leader du PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité) avaient donné lieu à des violences pour ce qui passe, aux yeux de ses partisans, pour une cabale politique visant à l’éliminer de la course à la présidentielle, il y a des raisons de craindre que cette nouvelle comparution de l’opposant ne soit un nouvel avis de tempête sur Dakar. Des craintes d’autant plus fondées qu’en cas de non présentation du prévenu au tribunal, l’autorité judiciaire a la latitude de mettre en œuvre une ordonnance de prise de corps, si elle juge sa présence nécessaire.

Le Sénégal a des raisons de retenir son souffle à l’approche de l’heure de vérité

Un acte qui pourrait en rajouter à l’exacerbation des tensions si le candidat déjà déclaré à la présidentielle de février 2024, devait faire l’objet d’arrestation ou d’un mandat de dépôt. Quand on sait que le jeune opposant a récemment appelé ses concitoyens à la résistance et à la désobéissance civile contre la Justice avec laquelle il refuse désormais de collaborer, on peut nourrir des appréhensions par rapport aux agitations de ses partisans. Lesquelles agitations pourraient alourdir davantage un climat sociopolitique déjà fortement tendu. Et ce, en raison des démêlés judiciaires de l’édile de Ziguinchor sur fond de mobilisation contre un troisième mandat de Macky Sall ; le chef de l’Etat continuant de garder le mystère sur ses intentions de se remettre dans le jeu électoral de la course à sa propre succession. Le sujet est devenu d’autant plus clivant au pays de la Teranga qu’au-delà du leader du PASTEF qui dénonce un complot visant à entraver sa candidature à la présidentielle de février 2024, c’est toute l’opposition organisée au sein d’une large coalition comprenant aussi des organisations de la société civile, qui est vent debout pour mettre en garde le natif de Fatick contre la tentation d’un troisième mandat. C’est dire qu’avec ce procès qui fait peser davantage l’épée de Damoclès de la disqualification sur la tête de celui qui se veut un sérieux concurrent au fauteuil présidentiel, le Sénégal a des raisons de retenir son souffle à l’approche de l’heure de vérité. Car, à la fermeté dont semble vouloir faire montre le pouvoir, les partisans de Ousmane Sonko qui ne manque pas de soutiens au-delà de ses propres rangs, semblent décidés à opposer leur détermination à ne pas se laisser conter fleurette dans une affaire qui suscite beaucoup de passion et présente de véritables risques pour la paix sociale.

Si la stratégie de Sonko est de monter les enchères du pourrissement de l’atmosphère sociopolitique, elle n’en paraît pas moins risquée

C’est pourquoi l’offre de dialogue politique du président Macky Sall qui se propose d’ouvrir les concertations avec la classe politique, le 28 mai prochain, ne manque pas d’intérêt. D’autant que sur la question, l’opposition semble divisée sur la conduite à tenir. Avec, d’une part, les radicaux comme le PASTEF de Sonko qui a clairement opposé une fin de non-recevoir à la main tendue du chef de l’Etat en rejetant toute idée de dialogue. Et, d’autre part, ceux qui ne veulent pas jouer la politique de la chaise vide et veulent au contraire saisir l’opportunité de ce dialogue pour ouvrir le débat sur des sujets d’intérêt majeur. Entre les deux, on peut se demander si les soutiens de Sonko ne vont pas s’émousser. Et si le leader du PASTEF ne va pas, à la longue, se retrouver avec la portion congrue de ses seuls partisans. Autant de questions qui constituent autant de raisons d’inquiétudes pour Ousmane Sonko dont l’horizon politique à court terme, est en train de s’assombrir avec ces affaires judiciaires qui ne sont pas loin de doucher définitivement ses espoirs de se retrouver, dans quelques mois, dans les starting-blocks de la course à la succession du président Macky Sall. Déjà, il court, si ce n’est déjà fait, la forclusion dans le pourvoi en cassation contre sa condamnation en appel pour diffamation, qui serait déjà une condition suffisante pour conduire à son inéligibilité si elle était définitivement confirmée. En tout état de cause, si la stratégie de Ousmane Sonko est de monter les enchères du pourrissement de l’atmosphère sociopolitique pour pousser le chef de l’Etat dans ses derniers retranchements par rapport à la question du troisième mandat, elle n’en paraît pas moins risquée si, en tant que figure montante de l’opposition sénégalaise, il devait se retrouver finalement hors course. Ou si, pour une raison ou pour une autre, le chef de l’Etat était contraint à clarifier sa position dans le sens d’un renoncement.

« Le Pays »