Le gardien de l’ambassade de Côte d’Ivoire à Tunis n’a jamais vu ça. La villa, située dans un quartier résidentiel de Tunis, ne désemplit pas. Dans l’enceinte, on s’appuie sur les voitures des diplomates pour remplir les formulaires. Certains sont là car ils n’ont plus de passeport, d’autres pour obtenir simplement la carte consulaire. Des documents indispensables pour leur but commun à tous : s’inscrire pour un rapatriement volontaire.
Un départ définitif
« Les propos tenus par le président sont des propos qui nous ont blessés, visés et qui nous ont fait vraiment du mal. J’ai reçu beaucoup de menaces » explique par exemple Didier, 25 ans. En Tunisie depuis 2019, sa décision de partir est définitive.
S’il s’est déplacé jusqu’à l’ambassade, c’est qu’il n’avait pas le choix. Depuis plus d’une semaine, le jeune homme qui reste enfermé chez lui explique que leurs voisins ne les regardent plus de la même manière. « Ils te voient comme un terroriste, celui qui est venu lui arracher sa terre » assure le jeune homme.
Sali, son bébé dans les bras, n’a même plus cette possibilité : elle a été expulsée de chez elle lundi.
« Le bailleur nous a dit qu’on ne peut pas rester chez lui parce que l’Etat tunisien a dit que les Africains à la peau noire ne doivent pas rester chez un Tunisien. On ne doit pas les héberger. Donc il nous a mis dehors pour ne pas que la police vienne l’attraper » assure à la DW Sali.
L’ambassade cherche à louer une villa pour héberger les ressortissants en urgence. Mais en attendant, Sali ne sait pas où aller. »Du coup, on reste ici. Avec l’enfant. Dans le froid. Elle n’a que deux mois » soupire-t-elle.
Tous visés
Seuls les migrants illégaux étaient visés par Kais Saied mais beaucoup ne font pas la distinction. Et le discours a libéré la violence. Une Tunisienne à la peau noire a ainsi été agressée. Les étudiants subsahariens, avec des papiers en règle, sont également visés.
C’est le cas de ce jeune, agressé par une bande, alors qu’il rentrait chez lui. Il témoigne anonymement : « Quand j’ai voulu réagir et riposter, parce qu’il y en a un qui faisait sortir quelque chose de sa poche, les autres se sont mis à me tabasser. L’un m’a fait une entaille, l’autre m’a blessé au visage. Et quand je suis tombé, ils se sont mis à me tabasser, à me donner des coups de pieds. »
Les associations d’étudiants subsahariens ont conseillé à leurs membres de rester chez eux pour la seconde semaine consécutive.
Auteur: Maryline Dumas