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Après le jugement rendu par la justice marocaine, le 20 mars dernier, dans l’affaire des violeurs d’une fillette de 11 ans, plusieurs dizaines de manifestantes ont dénoncé mercredi 5 avril à Rabat un verdict laxiste à l’encontre des trois hommes qui ont écopé de peine allant jusqu’à deux ans de prison maximum. Une affaire qui suscite émotion et colère au Maroc, alors que doit s’ouvrir ce jeudi le procès en appel de cette affaire qui soulève de nombreuses questions, bien que l’on annonce, déjà, un report à la demande de l’avocat de la partie civile.

L’affaire a profondément scandalisé l’opinion publique marocaine et une pétition condamnant la sentence avait recueilli mercredi plus de 31 000 signatures. « Ce verdict est incompréhensible, injuste et choquant. Nous sommes ici pour porter la voix de cette enfant. Il faut que ça cesse ! » a déclaré à l’Agence France-Presse Maria Tahir, venue protester à l’appel du « Rabii el Karama », soit la coalition « Printemps de la Dignité », un collectif d’associations féministes, devant un tribunal de Rabat.

« Il est temps de rendre justice à cette fillette et à son enfant. Ce type d’affaires ne doit en aucun cas être jugé avec laxisme », a estimé Amina Khalid, secrétaire générale de l’association Insaf (Institution nationale de solidarité avec les femmes en détresse) qui soutient la jeune fille dans l’affaire.

Le verdict a choqué jusqu’au ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, qui a tenu une conférence de presse le 1er avril, affirmant que cette affaire « nous interroge tous, en tant que responsables et acteurs de la société civile, sur les efforts nécessaires qui doivent être renforcés sur les plans législatif, intellectuel, éducatif, pour protéger notre enfance du viol », selon des propos cités par les médias. Le ministère public avait fait appel du jugement [tout comme l’association Insaf, NDLR], « afin de protéger les droits de la victime et de veiller à la bonne application de la loi ». Le ministre aurait également rappelé qu’il tenait « à intensifier les peines prévues pour les agresseurs d’enfants dans le nouveau projet de Code pénal ».

Des propos qui n’ont pas convaincu le Club des magistrats du Maroc. L’association professionnelle des magistrats marocains a jugé que les commentaires du ministre, « évaluant une décision judiciaire rendue en première instance dans une affaire encore en cours devant la juridiction d’appel, constitue une atteinte grave à l’indépendance de la magistrature ».

En effet, cette affaire n’est pas un cas isolé. Au Maroc, ONG et médias tirent fréquemment la sonnette d’alarme sur les cas de violences sexuelles contre les mineurs et appellent à des sanctions plus sévères.

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Le contexte de l’affaire

Pour mieux comprendre les raisons de cette mobilisation et la colère qui monte, il faut regarder de plus près le contexte de l’affaire. La chambre criminelle de la cour d’appel de Rabat a, en effet, condamné, le 20 mars dernier en première instance, trois prévenus poursuivis pour « détournement de mineure » et « attentat à la pudeur sur mineure avec violence ». L’un des accusés a été condamné à deux ans de prison ferme, les deux autres à dix-huit mois ferme.

Selon des ONG marocaines de défense des droits des femmes, la victime n’a que 11 ans lorsqu’elle se fait violer pour la première fois par trois hommes âgés de 25, 32 et 37 ans, à Tiflet, près de Rabat. Son calvaire va durer de longs mois, emmenée de force par la nièce, du même âge, de l’un des violeurs. La fillette garde le silence, par peur de représailles ciblant en particulier sa famille, jusqu’au jour où elle tombe enceinte.

La jeune fille a « subi des viols à répétition sous la menace », ce qui a entraîné une grossesse, peut-on lire dans un communiqué de l’ONG Jossour Forum des Femmes Marocaines, qui dénonce un verdict « injuste » et réclame « des peines plus sévères face à ce crime odieux ».

Alors, que dit cette affaire de la façon dont la justice marocaine traite les crimes sexuels, notamment en ce qui concerne les mineurs ? Dans une lettre ouverte au ministre de la Justice marocain, publiée dans Le 360, un journal électronique marocain, la sociologue marocaine Soumaya Naamane Guessous ne cache pas non plus son indignation. « C’en est trop », s’exclame-t-elle, dénonçant « l’insoutenable légèreté » de ce jugement qui, selon elle, « normalise non seulement le viol sur mineurs, mais toute une injustice que subissent encore des Marocain.e.s dont le seul tort est d’être mal-né.e.s ».

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Que dit la loi ?

Le verdict ne peut que surprendre, et à raison, d’après une enquête de nos confrères de Médias24, un site marocain d’information, « ses peines sont inférieures au seuil minimum prévu par le Code pénal ». En effet, les sanctions prévues pour les cas de « détournement de mineur par la fraude » et « d’attentat à la pudeur sur mineur avec violence » sont inscrites dans les articles 472 et 485 du Code pénal marocain. Selon les deux textes de loi, les trois accusés, qui ont aussi été condamnés à payer des dommages pour un montant total de 4 500 euros, encouraient entre 10 à 20 ans de prison.

Interrogé par Médias24, Me Mohamed Oulkhouir, avocat au barreau de Tétouan et vice-président de l’association Insaf, considère que les faits devraient en effet être requalifiés en « viol ». « Il est difficile de qualifier cela comme attentat à la pudeur sachant qu’il y a trois personnes accusées de viol en réunion et qu’un test ADN a démontré que l’un d’eux était le père de l’enfant », a-t-il précisé. « On parle de viol d’une mineure de 11 ans pendant plusieurs mois par plusieurs adultes en réunion. La peine octroyée est très légère. Nous ne sommes pas en matière correctionnelle mais criminelle. L’enjeu doit être la réclusion de 10 ans, au minimum. » En attendant, la copie du jugement et de ces motifs, l’émoi continue de gagner le pays.